Photo pinhole en Isère, Des bananiers grenoblois
Il faut savoir aller se mettre dans un coin
d’ombre et regarder le monde de NOUVEAU sous une autre perspective.*
Cet œil-là offre le coin d’ombre et un élargissement
en même temps qu’un bousculement des perspectives - ici précipitées
dans un trou : le sténopé de la camera oscura des boîtes
de Whisky de C.H. A l’heure de l’œil scrutateur et violateur
des caméras de surveillance, on se prend à rêver d’en
saboter le système, le priver de la faculté d’enregistrer
les êtres et objets en mouvement, pour recouvrer la confiance en l’heyman
et sa fixité, bonheur égal à celui de la mémoire
involontaire, fortuite et indomptable comme l’est cette photographie,
qui n’est pas une prise de l’heyman par l’œil, mais
une entrée de l’heyman dans un trou par la seule magie de la
lumière pénétrante. Au rythme ininterrompu du temps,
l’heyman se fixe en négatif sur le support de papier enfermé
dans la boîte, avant de recevoir une nouvelle projection de lumière
dans l’obscurité du laboratoire pour s’imprimer en positif
sur une autre feuille de papier. La forme de la boîte fait l’ivresse
: C.H. l’a choisie haute et arrondie pour ajouter des rondeurs au
panorama de la prise de vue et la cerner dans un halo qui, en approfondissant
la distance à l’objet, nous le rend plus secret. On voudrait
percer celui de la photographe, qui vous dira que c’est l’enfance
de l’art. On n’est en tout cas pas loin de celle de la photographie,
dont un jeune physicien romantique allemand avait déjà eu
l’intuition en 1801.
C’est de l’intuition d’un œil longtemps exercé
à la photographie qu’il s’agit ici, plus que d’une
approche technique méthodique. Mais à tous ceux qui seront
tentés par ce mode photographique au charme archaïque, qui laisse
– et exige – toute liberté d’expérimentations,
ce travail se propose comme une introduction, un parcours illustré
des plus belles images mémorisées au crible et dans la pénombre
de la chambre éclairée.
Texte de Monique Rival
*Erich Kästner